ESG, recrutement et supply chain
Cécile Chevré est reponsable du pôle finance et stratégie au sein de The Editorialist. Elle explique en quoi les sujets ESG et recrutement vont dorénavant (si bien) ensemble.
Impossible de ne pas commencer par cette question, rendue encore plus d’actualité par la crise sanitaire : où en est la transformation responsable des entreprises ?
Cécile Chevré : Soyons clairs : nous sommes – presque – tous conscients de l’importance des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Et ce que l’on soit un simple citoyen ou une entreprise. Une prise de conscience qui a pu être lente, et parfois se faire à reculons. Quoi qu’il en soit, des politiques ESG ont été mises en place, des efforts ont été entrepris, dans tous les secteurs, et par des entreprises de toute taille.
Désormais, nous entrons dans une nouvelle phase. En étant un peu provocatrice, je dirais que l’heure est venue de rendre des comptes et d’arrêter de se limiter à des déclarations comme « faire rimer performance financière et extra-financière ». Nous devons prouver la réalité de cette démarche ESG, de communiquer, en toute transparence, sur les objectifs, mais aussi sur les résultats de son entreprise.
L’attente est forte, de la part de la société civile, des investisseurs privés comme institutionnels, mais aussi des autorités de régulation. Cela d’autant plus que la récente crise sanitaire a servi de « stress test » : les entreprises les plus engagées en matière d’ESG sont aussi celles qui ont le mieux résisté.
Quelle est cette attente ? Plus de transparence, plus de reporting ?
Tout ceci sera rendu possible par un effort collectif (entreprises, régulateurs, cabinets de conseil…) de normalisation. De création d’indicateurs et d’outils communs qui permettent à la fois de rendre compte et de comparer. Le récent exemple d’Orpea illustre ce besoin : comment s’assurer que les performances extra financières annoncées correspondent bien à la réalité « du terrain » ?
Pour les entreprises, cela signifie communiquer, en tenant compte de la forme comme du fond. Communiquer sur des chiffres fiables, comparables, sur des actions et des exemples concrets. Et d’être acteurs de leur communication sur ces sujets, à travers des formats comme les rapports ESG et les livres blancs, bien sûr, mais aussi en se servant des nouveaux relais que sont les réseaux sociaux, les podcasts, la vidéo…
Autre défi qui se pose aux entreprises : celui de l’inflation. Quelles conséquences pour elles ?
CC : L’inflation… vaste sujet ! Et brûlant. La hausse des prix vient fragiliser un peu plus les chaînes d’approvisionnement qui avaient déjà été secoués par la crise sanitaire. Faillite de fournisseurs, désorganisation du fret international… et maintenant inflation : les supply chains sont mises à rude épreuve, et là encore, c’est un défi auquel sont confrontées un très grand nombre d’entreprises.
Ce que nous observons, auprès des entreprises que nous accompagnons et des fonds de private equity avec lesquels nous collaborons, c’est la mise en œuvre d’une réponse de sécurisation de la supply chain qui recoupe en partie les enjeux ESG que j’évoquais plus haut. Par exemple en privilégiant la proximité géographique avec ses fournisseurs et en créant de la valeur partagée. De plus en plus d’entreprises ne limitent plus leur responsabilité sociale et environnementale à leur seul périmètre, mais incluent leur écosystème, en amont et en aval. Une véritable démarche vertueuse sur laquelle il faut, là encore, communiquer, à travers des chartes fournisseurs, des livres blancs, des témoignages de partenaires, etc.
Dernière question : quelle influence a eu la crise sanitaire sur un enjeu important pour les entreprises, le recrutement ?
CC : Comme pour la plupart des grandes tendances, la crise a joué un rôle de frein ou d’accélérateur. Il en est de même pour l’enjeu du recrutement. Certains secteurs ont, depuis des années, du mal à recruter. Je pense par exemple aux ESN. L’épidémie a renforcé cette problématique. A la fois en désorganisant le travail dans de nombreuses entreprises, en obligeant à changer les modes de fonctionnement mais aussi en créant un « effet de choc » très sensible auprès de nombreux salariés.
Combien de personnes autour de nous ont changé de vie ou réfléchi à de nouveaux projets professionnels au cours des deux dernières années ? Nous sommes nombreux à vouloir donner du sens à notre quotidien, à notre travail, et donc à vouloir évoluer dans un environnement professionnel qui correspond, non seulement à ces nouvelles normes – le télétravail notamment – mais aussi à ces aspirations.
Pour beaucoup d’entreprises, il s’agit donc de convaincre de nouveaux collaborateurs, et de leur donner envie de rester. Là encore, le levier de l’ESG dès le recrutement est clé. Cela peut passer par le partage de la valeur, pour lequel milite le private equity. Ou par une réflexion sur la qualité de vie au travail, la balance vie professionnelle/vie personnelle, un travail sur l’inclusion et la diversité, un investissement sur la formation… Et une fois de plus, il faut communiquer, en allant chercher la cible là où elle est et en repensant les formats pour incarner ce message.